Intervention sur l’activité d’avocat mandataire d’artistes et d’auteurs NFT – Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI) – 13 mai 2022

Sydney CHICHE-ATTALI et Matthieu QUINIOU

Présentation de l’Agence « Piece of », agence d’accompagnement des projets NFT et Web 3 dans l’Art et la Culture, au Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI), pour une conférence sur les avocats mandataires d’artistes et d’auteurs le 13 mai 2022.

L’exploitation des œuvres liées aux NFT : des musées aux métavers

PAR SYDNEY CHICHE-ATTALI ET LISA TOUBAS

Article paru dans Ie media Influencia et dans la revue Point Contemporain

Un an après la vente record de l’œuvre numérique de l’artiste Beeple, “Everydays : the First 5 000 Days » sous forme de NFT, la révolution digitale dans l’art bat toujours son plein, offrant aux artistes et aux professionnels du monde de l’art de nouvelles perspectives de promotion et de diffusion des œuvres au public. C’est ainsi qu’après plusieurs années passées à chercher la meilleure approche pour intégrer le digital aux ventes aux enchères, la loi modernisant la régulation du marché de l’art du 28 février 2022 a autorisé les maisons de vente à procéder à des enchères publiques de “biens incorporels”, ouvrant la voie aux ventes de NFT.

Pour rappel, ces non-fungible token” (NFT) sont des jetons non fongibles stockés sur une blockchain pouvant être liés à des fichiers numériques : image, vidéo, son, texte, etc. Le succès des NFT dans le milieu de l’Art et de la Culture ne faiblit pas, et pour cause, ce procédé permet tout à la fois d’assurer l’authenticité et la provenance de l’œuvre en question mais également de créer de la rareté, critère très prisé des collectionneurs. Pas étonnant que les NFT intègrent et bouleversent aujourd’hui l’univers des ventes aux enchères imposant ce nouveau paradigme dans le marché de l’Art.

Certains musées ont également fait le choix d’accueillir dans leur espace physique des expositions dédiées aux NFT. C’est ainsi qu’en 2021, le Francisco Carolinum Museum en Autriche présentait son exposition “Proof of Arts” retraçant l’histoire des NFT, de leur apparition jusqu’au développement des métavers. Tout récemment, en janvier 2022, le Seattle NFT Museum, un musée entièrement consacré aux NFT, ouvrait ses portes, et exposait, entre autres, des “CryptoPunks”.

Poussant plus loin encore les possibilités offertes par cette technologie, les professionnels de l’art font désormais communiquer les deux mondes, réel et virtuel, profitant du Web 3.0 comme un véritable amplificateur de visibilité. Le “phénomène NFT” est pris en main par les institutions et les galeries d’art qui profitent de nouveaux espaces d’exposition et d’une nouvelle audience. Les œuvres – par le biais de leur NFT – peuvent désormais être présentées dans ce qu’on appelle le métavers, sorte d’Internet amplifié, collaboratif et immersif, dont le jeu Second Life annonçait déjà la venue au début des années 2000.

Brouillant les frontières entre le réel et le virtuel, le métavers permet une accessibilité accrue aux œuvres d’art tout en réglant les problèmes d’échelle qui pouvaient exister sur les plateformes de vente sur internet. Les expositions se visitent en ligne par les avatars des utilisateurs qui se déplacent au sein d’espaces virtuels dédiés, pensés et construits pour les œuvres. Le studio Holly13 a conçu un “musée du futur” destiné notamment à accueillir l’œuvre “Everydays : the First 5 000 Days » de l’artiste Beeple. D’autres envisagent de créer des répliques de musées préexistants, comme le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. En juin 2021, Sotheby’s créait déjà dans l’univers Decentraland, plateforme de réalité virtuelle dans laquelle il est possible d’acheter des parcelles de terrains constructibles, une réplique de son espace de vente. La plateforme accueille par ailleurs de nombreuses galeries d’art et musées, tels que la “Crypto valley Art Gallery”. Un autre métavers, Cryptovoxels, a également connu un développement important des espaces de vente et des galeries d’art.

Enfin, des services d’expositions virtuelles en 3D commencent à émerger, proposant de créer dans le métavers des espaces sur mesure pour des événements comme des expositions temporaires ou des ventes aux enchères. Le projet “CollecOnline” propose par exemple, sur abonnement, de générer des galeries et des musées virtuels dans Decentraland, accessibles à tous ou seulement à un public restreint.

Les possibilités offertes par le métavers semblent infinies. Du réel au virtuel, les NFT naviguent entre les deux mondes avec une certaine facilité, permise par le numérique. A tel point qu’on en oublierait presque que derrière chaque œuvre, même associée à un NFT, il existe des droits protégeant l’auteur. L’avènement d’Internet avait déjà eu pour effet de malmener les droits des auteurs. Le Web 3.0 n’échappe pas à cette tendance.

Récemment, ce sujet a été au cœur de débats après que les propriétaires de CryptoPunks ont proposé à des tiers d’utiliser l’image de leurs avatars contre rémunération pendant une durée déterminée.

Le rachat tout récent des droits de propriété intellectuelle des “CryptoPunks” par Yuga Labs, les créateurs du “Bored Ape Yacht Club”, vient toutefois résoudre cette problématique. En effet, Yuga Labs a annoncé le 11 mars 2022 que chaque propriétaire d’un NFT de “CryptoPunks” détiendrait désormais les droits de propriété intellectuelle sur ces images, comme c’est déjà le cas pour les détenteurs de “Bored Ape”, et notamment le droit d’en faire un usage commercial.

En effet, l’exploitation commerciale d’une œuvre, qu’elle soit tangible ou numérique, associée à un NFT ou non, requiert d’être titulaire des droits patrimoniaux, c’est-à-dire du droit de reproduction et du droit de représentation (I). L’exposition d’œuvres liées à des NFT et plus généralement toute exploitation de ces œuvres dans le métavers ne déroge pas à cette règle (II).

  1. Le droit de reproduction et de représentation des œuvres d’art
  1. Des droits distincts du support de l’œuvre

Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) octroie à l’auteur d’une “œuvre de l’esprit” un droit d’auteur défini comme “un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.”[1].

Pour accéder à la protection du droit d’auteur, l’œuvre de l’esprit doit être originale, c’est-à-dire qu’elle doit revêtir l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La loi dresse une liste de quatorze catégories d’œuvres de l’esprit dont les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, ou encore les œuvres photographiques[2].

Au titre de cette protection, les auteurs bénéficient sur leurs œuvres de droits patrimoniaux et d’un droit moral.

Les droits patrimoniaux confèrent à l’auteur un monopole d’exploitation. À ce titre, l’auteur dispose du droit de représentation, c’est-à-dire de communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et du droit de reproduction, c’est-à-dire de fixation matérielle de l’œuvre par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte.

Ces droits exclusifs de l’auteur sont limités dans le temps et perdurent 70 ans après le décès de l’auteur.

Le droit moral de l’auteur garantit quant à lui le respect de sa qualité d’auteur, et de l’intégrité de son œuvre. Ce droit est perpétuel, inaliénable, imprescriptible et transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

Le CPI précise expressément que « la propriété incorporelle (…) est indépendante de la propriété de l’objet matériel »[3].

Le propriétaire du support matériel d’une œuvre physique ne détient donc pas la propriété incorporelle de ces œuvres qui comprennent les droits de reproduction et de représentation, à moins d’en avoir obtenu la cession express.

Ainsi, le propriétaire d’une toile de maître ou d’un tirage photographique ne bénéficie pas, sauf accord explicite de l’auteur, du droit de les reproduire ou de les présenter publiquement hors d’un cercle privé.

La Cour de Cassation a par exemple rappelé que « l’exposition au public d’une œuvre photographique en constitue une communication au sens de l’article [CPI, art. L. 122-2] et requiert, en conséquence, l’accord préalable de son auteur[4]».

La propriété de l’œuvre et les droits d’auteur étant indépendants, chaque exposition du support d’une œuvre ou chaque reproduction de celle-ci devrait ainsi s’accompagner d’une autorisation et d’une rémunération de l’auteur.

  1. Le droit d’auteur à l’ère du numérique

Les révolutions technologiques successives ont secoué les catégories d’œuvres d’art traditionnelles. Pour le philosophe et juriste Bernard Edelman, “la technologie a modifié la nature [du droit d’auteur], non seulement en engendrant des œuvres nouvelles, en transformant l’esprit des créations, mais encore en faisant intervenir un nouveau type “d’utilisateur” et un nouveau type d’intermédiaire[5]”. Le numérique a ainsi bouleversé le monde de l’art sur bien des plans.

Initiés à partir des années 60-70, les arts numériques (créations par ordinateur, algorithmes, réalité virtuelle, game design, etc.) ont fait leur entrée progressive dans le monde de l’art dans les années 90. A l’époque, ce nouveau type d’œuvres interrogeait des concepts qu’on pensait impossibles d’être remis en cause : l’œuvre d’art, l’artiste, le lieu d’exposition, ou encore la conservation d’une œuvre. Pour la première fois, l’œuvre devient interactive, mouvante, sensorielle. Elle introduit un nouveau rapport à l’œuvre d’art, qui n’est plus seulement un objet unique. L’œuvre numérique semble, au contraire, pouvoir être dupliquée à l’infini.


A s’en tenir à cette définition, l’œuvre numérique semble échapper aux règles certes protectrices mais aussi très contraignantes du droit d’auteur. Pourtant, il n’en est rien. Si l’œuvre est originale, alors des droits y seront attachés et son utilisation nécessitera l’accord de son auteur. Tout comme un tableau, une sculpture, ou un dessin, une œuvre digitale, même créée à l’aide d’une intelligence artificielle, peut être protégée par le droit d’auteur.

L’art numérique, s’il est particulier du fait de sa nature immatérielle, a donc parfaitement intégré le corpus d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Il a toutefois été difficile de faire respecter ces droits. Le développement d’Internet a en effet apporté son lot de contrefaçons, devenant le premier mode de diffusion des œuvres et facilitant les reproductions illicites d’œuvres d’art protégées. Le droit d’auteur a donc dû s’adapter, tant au niveau national qu’européen, comme en témoigne notamment la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Toute une communauté digitale d’artistes, de collectionneurs et de diffuseurs, préexistait donc aux NFT et au crypto-art. L’art digital, déjà présent depuis plusieurs décennies, a été l’occasion de constater l’importance de renforcer les droits des auteurs sur ce type d’œuvres à l’ère du numérique.  

  1. Le droit d’exposer des œuvres sous forme de NFT dans les métavers
  1. Les NFT : à la fois pourfendeurs et sauveurs du droit d’auteur

Si le développement d’Internet avait déjà fragilisé le droit des auteurs, l’engouement autour des NFT a amplifié ce phénomène dans un premier temps.

En effet, la méconnaissance des collectionneurs sur l’étendue des droits que leur confère l’acquisition d’une œuvre se retrouve également dans le monde digital. De la même manière que l’acquéreur d’une œuvre d’art “tangible” pense parfois détenir l’ensemble des droits rattachés à celle-ci, les détenteurs de NFT estiment pouvoir les utiliser et les exploiter à leur guise notamment dans l’espace numérique.

Il existe donc un malentendu qui pousse les détenteurs de NFT à les reproduire, les exposer ou les exploiter commercialement de quelque manière que ce soit. Pourtant, en cas d’achat d’un NFT, l’auteur de l’œuvre sous-jacente reste titulaire des droits d’auteur sur celle-ci. C’est ainsi que certains propriétaires de “CryptoPunks” ont pu se voir reprocher par leurs créateurs de vouloir faire un usage commercial de leurs avatars, notamment au travers d’un système de “location”.

Pour autant, les pratiques évoluent. Les vendeurs de NFT prennent le problème à la source et décident, de plus en plus, de gratifier leur communauté d’acheteurs non seulement du NFT mais également des droits associés, leur permettant ainsi d’exposer l’œuvre ou encore de la monétiser. Ce fut le cas tout récemment avec le rachat des droits de propriété intellectuelle des “CryptoPunks” par Yuga Labs, les créateurs du “Bored Ape Yacht Club”. Désormais, chaque propriétaire d’un NFT de “CryptoPunks” détiend les droits de propriété intellectuelle sur ces images, une pratique déjà en place en cas d’acquisition de NFT de la collection “Bored Ape”. Cette annonce a eu un effet colossal dans le marché des NFT, les ventes de “CryptoPunks” ayant augmenté de 1 219% en 24h. C’est dire le rôle que joue désormais la propriété intellectuelle dans le marché des NFT.

Malgré ces avancées, de nombreux problèmes persistent encore. OpenSea, plateforme de création et de vente de NFT fondée en 2017, annonçait en janvier sur son Twitter que “plus de 80 % des NFT créés sur le site étaient des œuvres plagiées, des fausses collections ou des spams[6]”. Si certains sites comme DeviantArt ont mis au point des logiciels de reconnaissance d’images pour avertir leur communauté dès qu’une copie de leur œuvre est diffusée sur internet, il est nécessaire d’améliorer le sort des artistes et des ayants droit qui semblent démunis face aux utilisations frauduleuses de leurs œuvres.

Cette amélioration peut se traduire par la généralisation des “licences NFT”, permettant de déterminer les droits transmis en même temps que le token. La société à l’origine des “CryptoKitties”, Dapper Labs, avait déjà proposé ce type de licence à ses acheteurs, qui peuvent monétiser leur NFT dans une limite de 100 000 dollars de revenus bruts par an.

Les réseaux sociaux s’emparent, eux aussi, de la question des droits d’auteur. Il y a cinq mois, Twitter expérimentait déjà son outil de certification de NFT utilisés comme avatars par les utilisateurs, et qui a su faire ses preuves depuis. L’image de profil de l’utilisateur prendra la forme d’un hexagone, facilitant ainsi l’identification. De son côté, Mark Zuckerberg a annoncé le 15 mars 2022 qu’il serait désormais possible, dans les prochains mois, de créer des NFT sur Instagram. Une possibilité qui soulèvera, à n’en pas douter, de nouvelles problématiques juridiques.

Les NFT peuvent donc contenir des autorisations octroyées aux détenteurs pour ce type d’exploitations et même potentiellement pour l’exposition des œuvres dans les métavers.

  1. L’autorisation d’exposer des œuvres dans les métavers grâce aux NFT

Le terme de “métavers” est issu de la contraction des termes “meta” et “universe”. Le métavers est donc un monde qui va au-delà de notre connaissance. Il désigne généralement un monde parallèle, immersif, en trois dimensions, un monde virtuel aux interactions bien réelles.

Il existe déjà des mondes virtuels immersifs (Minecraft, Fortnite, Decentraland, The Sandbox, etc.) qui sont des déclinaisons de concepts plus anciens (les Sims ou encore Second Life).

Depuis l’annonce de Meta (anciennement Facebook) de la création d’un métavers et le développement récent de multiples métavers, les NFT ont suscité encore davantage d’intérêt.

Contrairement aux idées préconçues, la reproduction et l’exposition d’œuvres, même acquises sous forme de NFT, dans ces univers, doivent s’accompagner d’une autorisation et d’une rémunération de l’auteur.

Or, le propriétaire d’un NFT ne bénéficie pas a priori du droit de les reproduire ni de présenter l’œuvre d’art publiquement dans un métavers, sauf autorisation expresse de l’auteur.

Aujourd’hui, la plupart des NFT ne sont pas associés à des licences permettant la reproduction ou la représentation des œuvres sous-jacentes dans des univers virtuels. C’est d’ailleurs ce qui a suscité l’ire de plusieurs collectionneurs de “Cryptopunks” qui ont réalisé que ces NFT, acquis parfois pour des centaines de milliers de dollars, n’étaient pas associés à une licence des droits patrimoniaux de l’auteur.

En effet, faire un usage commercial de l’œuvre acquise nécessite d’obtenir une autorisation au titre des droits d’auteur attachés à l’œuvre, qui ne sont pas automatiquement transférés à l’acheteur en même temps que le NFT.

Pour autant, la technologie des NFT peut également être un moyen de contrôler la reproduction et la représentation d’œuvres dans ces univers.

Au même titre que la certification de la propriété des NFT sur les réseaux sociaux, comme sur Twitter ou Instagram, l’autorisation de reproduire et de représenter des œuvres dans ces mondes virtuels peut parfaitement être intégrée aux NFT.

Cette intégration se fait par le biais des métadonnées des jetons qui peuvent inclure une licence du droit de reproduction ou de représentation. Cet accord de licence peut notamment conférer une autorisation d’exposer une œuvre dans les musées physiques mais également dans les métavers.

Aujourd’hui, des plateformes se développent pour permettre de générer et d’intégrer ces cessions et ces licences de droit d’auteur dans les métadonnées des NFT offrant ainsi un cadre juridique et sécurisé à l’exploitation des œuvres liées aux NFT dans les métavers. 

C’est par exemple le cas de la plateforme ATO qui permet notamment aux artistes et aux professionnels de l’art de générer automatiquement des conditions générales de ventes et des smart contracts intégrés aux NFT.

Il convient cependant de rappeler que les projets NFT doivent impérativement être accompagnés par des experts en matière juridique et technique pour traiter les questions de fiscalité, de droit commercial, de cybersécurité, ou encore de propriété intellectuelle, liées à ces nouveaux objets dont le cadre est encore en construction.

Un projet majeur de règlement européen nommé “Market in Crypto Assets » (MiCA) va notamment changer le droit des NFT en France et en Europe prochainement, après son adoption par la Commission des affaires économiques du Parlement européen le 14 mars dernier.


Image : Mathieu Arbez Hermoso, WAGMI. Web3 object. Work in progress. 2022



[1] Art. L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle

[2] Art. L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle

[3] Art. L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle

[4] C. Cass, 1ère Civ, 6 novembre 2002, RG 00-21.868

[5] “Nature du droit d’auteur et des droits voisins”, J.-cl. prop. litt. & art., fasc. 301-1, n°31

[6] Traduction libre

Entretien de Sydney CHICHE-ATTALI paru dans le Journal des Arts en novembre 2021

Entretien de Sydney CHICHE-ATTALI paru en UNE du Le Journal des Arts du 26 novembre 2021

« LES NFT INTRODUISENT UN NOUVEAU PARADIGME »

Les NFT de 1ère génération, au-delà des ventes records médiatisées, recouvrent des réalités très différentes dont des objets numériques qui n’ont aucune existence juridique et peuvent perdre leur valeur aussi soudainement qu’ils l’ont acquise. Ces risques du marché actuel des NFT ne doivent pas masquer les avancées des acteurs du marché, privés et institutionnels, permettant l’avènement d’un cadre plus sûr pour le commerce et l’échange de ces nouveaux actifs sur internet. L’émergence de ces « NFT 2.0 » présente un potentiel important pour le marché de l’art notamment par de la création des NFT « originaux » d’œuvres d’art physique ou numérique ainsi que le développement d’un large marché des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres.

BIO : Sydney CHICHE-ATTALI est avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, du numérique, et de l’art. Il accompagne créateurs, entreprises et institutions dans les industries culturelles et technologiques. Il est particulièrement actif dans les domaines ayant trait aux créations digitales, à la diffusion de contenus sur Internet, au e-commerce, et aux innovations liées à la blockchain (horodatage des œuvres, NFT, etc.).

Qu’est-ce qu’un NFT ?

Un jeton non fongible (« Non fongible token » en anglais) est un jeton numérique unique utilisé sur blockchain auquel est lié un fichier numérique qui peut contenir une image, une vidéo, une musique, un texte, etc.

Donc pour comprendre ce qu’est un NFT il faut d’abord en passer par ce qu’est la blockchain ?

Oui, c’est la technologie de la blockchain qui a permis l’émergence de cette nouvelle catégorie d’actifs. La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations qui permet à ses utilisateurs, connectés en réseau, de partager des données sans intermédiaire.  Elle est une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. C’est donc un registre, un registre comptable en quelque sorte, qui enregistre les transferts des jetons d’un détenteur à l’autre avec une traçabilité de ce transfert : clef d’identification des détenteurs, date de la transaction, etc.

La première blockchain est celle du Bitcoin créé en 2008 par un inconnu dont le pseudonyme est Satoshi Nakamoto. Le Bitcoin désigne à la fois un protocole de paiement sécurisé et anonyme et la « crypto » en elle-même (le terme de « cryptomonnaie » étant à éviter juridiquement).

Et donc il n’y pas de tiers dans cette transaction ?

Exactement, contrairement à un virement bancaire par exemple où le virement transite par un tiers de confiance – la banque – qui valide l’identité des parties, le montant, le fait que le compte bancaire soit approvisionné ; dans la blockchain il n’y a pas de personne morale ou physique qui sert d’intermédiaire. C’est l’informatique seule – en théorie sans autorité humaine qui la contrôle – qui effectue et conserve la trace de ces transferts de fichiers.

Revenons au jeton, comment s’effectue le lien avec le fichier qui contient l’image, la vidéo ou le son et que certains juristes appellent le « sous-jacent » ?

Les NFT contiennent des métadonnées d’identification, détaillant les caractéristiques du « sous-jacent » et l’identité de leur émetteur. Ces jetons peuvent pointer vers des fichiers comme des jpeg, des gifs, ou du texte par l’intégration de liens dans leurs métadonnées. Le jeton est une suite de caractères alpha numériques guidant vers un lien où est stockée le « sous-jacent », qui peut être l’image d’une œuvre par exemple. Il faut bien comprendre cependant que si le jeton est stocké dans la blockchain, le « sous-jacent » peut être stocké sur un serveur plus ou moins sécurisé. C’est donc le jeton qui est réputé inviolable, le « sous-jacent » ne l’ai pas forcément.  Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

Pourquoi parle-t-on de jeton « non fongible » ?

La fongibilité est la caractéristique d’un objet qui peut être remplacé par un objet similaire ou identique : de la farine, de l’argent… Contrairement aux jetons dits de « cryptomonnaies » (ethereum, dogecoin, etc.) que l’on peut utiliser comme moyen d’échange, les NFT ne sont pas interchangeables, car ils sont attachés à des « sous-jacents » de nature différente et de valeurs différentes[SC1] . Chaque NFT est unique, ce qui fait toute sa valeur et l’intérêt de la technologie.

En quoi les NFT sont une révolution ?

Les NFT introduisent un nouveau paradigme, car ils permettent de créer une forme d’unicité et d’authenticité pour des fichiers numériques par définition duplicables à l’infini. On peut ainsi poser que tel fichier « sous-jacent » est l’unique, car il est le seul certifié par un NFT. Cela parait purement abstrait et intellectuel, mais cela existe aussi dans le monde physique avec les éditions en bronze ou les tirages photographiques où par construction juridique on considère que la 9e édition n’est plus un tirage « original », mais une copie. C’est le même fondeur, le même tireur, mais on attribue une caractéristique abstraite sur les éditions en deçà et au-delà d’un certain nombre.

De la même façon, un NFT va disposer que le fichier attaché est l’unique original. Sur internet, l’image de l’œuvre peut être accessible à tous et reproduite, mais il n’en demeure pas moins qu’une seule personne détient ainsi en principe la « copie originale » de l’œuvre sous forme de NFT. Cela peut être comparé à un tableau qui peut être copié et reproduit à l’infini, tandis qu’une seule personne possède l’original, ayant une valeur particulière sur le marché de l’art.

Et donc vous voyez bien les possibilités que cela ouvre d’un point de vue économique, notamment dans le marché de l’art où la valeur repose sur la rareté voire l’unicité. Certes chacun peut copier sur son ordinateur ou son smartphone l’œuvre numérique de Beeple qui a été vendue 69 millions de dollars en mars dernier, mais une seule personne peut en revendiquer la « propriété », car il est le seul à détenir le certificat d’authenticité de l’œuvre sous forme de NFT.

Donc les NFT sont des certificats d’authenticité ?

Ils peuvent être semblables à de bons vieux certificats papiers délivrés par les artistes ou les successions d’artistes à condition de contenir un contrat rédigé correctement. Comme dans le marché de l’art classique, un certificat même s’il n’est pas reconnu expressément par la loi, doit d’être suffisamment explicite et contenir des clauses clairement rédigées pour faire naître des obligations et des droits dans la relation entre son émetteur et à son détenteur. A ce stade, de nombreux NFT de 1ère génération sur le marché ne contiennent pas de clauses clairement rédigées de nature à faire naître ces obligations et ces droits. Mais rien ne s’oppose à ce qu’ils le deviennent s’ils sont bien rédigés, ils engageront donc l’auteur de l’œuvre initiale auprès détenteur du NFT.

N’y-a-t-il pas une forme d’abus de langage lorsqu’on parle d’une œuvre numérique à propos d’un NFT ?

Effectivement, c’est un abus de langage. Il faudrait parler d’une œuvre numérique liée à un NFT. Comme on l’a dit précédemment, le NFT n’est pas l’œuvre en tant que tel, mais un jeton numérique unique pouvant être lié à une œuvre, son « sous-jacent ».

Peut-on dire que l’association image numérique plus NFT crée une nouvelle catégorie d’actif ?

C’est exactement cela. C’est difficile à comprendre lorsque l’on prend ses repères dans le monde physique, mais dans le monde numérique c’est un nouvel actif, certes produit par une construction intellectuelle, mais qui a une véritable existence et un marché propre. L’engouement pour les NFT est loin d’être passé quand on voit le potentiel de tels actifs notamment dans le cadre de projet comme le « Metaverse » développé par Facebook (ou devrais-je dire Meta…).

La confusion peut venir aussi du fait que l’on désigne par NFT, des « sous-jacents » de nature très différentes : des œuvres d’art numériques originales (Everydays : the First 5000 Days de Beeple), des séries de vignettes créées par informatique (les CryptoPunks), des images d’œuvres d’art physiques (gravures d’Hokusai), des images de Une de magazine, des vidéos d’actions sportives, des chaussures Nike dans le « metaverse » de Facebook, etc.

Venons-en à la qualification juridique des NFT.

Il n’y a pas (encore) de définition juridique d’un NFT. La loi PACTE de 2019 s’est intéressée aux actifs numériques et a défini les jetons numériques comme des biens incorporels représentant sous une forme numérique un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au type d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé, donc permettant d’identifier directement ou indirectement le propriétaire dudit bien. Cela pourrait s’appliquer aux NFT.

En France, la Cour de cassation a considéré qu’un numéro de carte bancaire était un bien incorporel, donc on pourrait bien considérer qu’un code cryptographique est un bien incorporel.

Les Etats-Unis sont en pleine discussion avec le Crypto Currency Act, qui distingue trois types d’actifs numériques les crypto currencies (monnaies), les crypto commodities (des biens échangeables) et les crypto securities (créances et dettes) qui sont plus assimilables à des actions.

L’Union européenne travaille également sur un règlement assez large sur les actifs numériques qui devraient concerner les jetons fongibles et non fongibles.

Les NFT sont-ils des œuvres au sens de la loi et du droit d’auteur ? [revoir la formulation]

La réponse est non à ce stade. Un NFT contient les informations qui mènent à une représentation d’une œuvre – qui peut être physique ou digitale, mais cela passe forcément par une représentation numérique – le jeton n’est pas l’œuvre en elle-même.

Aujourd’hui, dans la majorité des cas, une personne détenant un jeton n’a pas, de droits sur l’œuvre à laquelle ce jeton est lié. En règle générale, pour les NFT de 1ère génération, le détenteur n’est pas propriétaire de l’œuvre ni cessionnaire d’aucun droit d’auteur dessus, il ne peut pas l’exposer ou la reproduire. Le seul droit qu’il ait acquis est celui de dire : « j’ai acquis le seul jeton lié à cette œuvre » et « j’ai confiance dans la rareté, dans la valeur de ce jeton parce que je l’ai acheté sur telle plateforme ou à tel artiste ». Le marché des NFTs de 1ère génération et la plupart des plateformes fonctionnent comme ça actuellement. Elles vendent en réalité un jeton qui n’a pas de réalité juridique et qui ne donne pas de droits à son détenteur.

Le problème de ces NFT de 1ère génération est l’absence de conditions liées à la cession du « sous-jacent », ce qui rend les contrats d’achat de ces NFT pour certains sans objet. Les conséquences de ce constat sont colossales dès lors qu’un contrat sans objet peut être annulé et que le prix payé pour les NFT devrait, en ce cas, être restitué à l’acheteur…

Il va y avoir un réveil difficile après la fête des NFT de 1ère génération, mais cela ne doit pas masquer l’émergence des NFT 2.0 dont le potentiel pour le marché de l’art est phénoménal.

Il y a également les smart contracts, de quoi s’agit-il ?

Ce sont des programmes permettant l’exécution automatique de clauses contractuelles, et qui sont attachés aux NFT dans la blockchain. Ces smart-contracts peuvent notamment être utilisés pour définir ce que l’artiste autorise l’acquéreur à faire ou non, L’artiste peut également prévoir dans le smart-contract initial qu’il percevra une commission sur les reventes successives qui lui sera versée automatiquement sur son portefeuille numérique. C’est l’équivalent du droit de suite, mais ajustable et automatiquement exécutable, ce qui est une révolution pour les artistes. Ces clauses se transmettent également à tous les acquéreurs successifs du jeton lié au sous-jacent.

Au fond, qu’a acheté l’acheteur du NFT de Beeple ?

Il a acquis a priori le seul jeton attaché à cette œuvre. Dans ce cas d’espèce, il n’est pas devenu propriétaire des droits moraux et patrimoniaux ni d’une œuvre physique qui existerait dans le monde réel, mais bien uniquement d’un jeton unique renvoyant à une image jpeg de l’œuvre. Il s’agit de la même que celle qui est reproduite sur différents articles parlant du sujet, mais l’acheteur est reconnu comme le détenteur unique du NFT lié à l’œuvre, et dans le marché de l’art, toute la valeur vient de cette rareté.

Et qu’ont acquis les acheteurs de NFT de reproductions de gravures d’Hokusai mis en vente par le British Museum ?

Là c’est un peu différent, puisqu’il y a une œuvre physique qui est de surcroît tombée dans le domaine public. Mais attention, ils n’ont absolument pas acquis l’œuvre physique, ils sont détenteurs d’un NFT, d’un certificat d’authenticité sur une reproduction numérique limitée à un ou plusieurs exemplaires d’une gravure d’Hokusai.

Sur quoi se fonde alors la valeur – parfois faramineuse – de certains NFT ?

L’acheteur a acheté un jeton qui n’a pas de valeur juridique, mais il considère que dans le monde dans lequel il vit, son jeton est authentique et a une valeur en tant que telle. L’acheteur de l’œuvre de Beeple a confiance dans le fait que l’artiste ne va pas en proposer d’autres et que donc, il va être le seul à être à jamais le propriétaire du jeton lié à cette œuvre. Certains des acheteurs ne se soucient pas du fait que certains de ces jetons de 1ère génération ne sont pas attachés à des quelconques droits et obligations d’un point de vue juridique.

Comme je le disais précédemment, c’est un nouvel écosystème sous-tendu par la philosophie des cryptos et de la blockchain qui prône la désintermédiation et n’accorde pas forcément de valeurs aux institutions. Il y a initialement le désir de se passer des intermédiaires. C’est l’obsession, celle de ne plus avoir besoin de passer par des tiers, les tiers de confiance habituels, donc les banques, les États, etc.

Il y aussi une forme de fierté à être le premier et le seul à détenir un NFT d’une œuvre d’art ou de toute autre image sans se soucier que ce droit ne soit pas garanti par les systèmes juridiques. Les acheteurs peuvent également souhaiter bénéficier du flou juridique lié aux NFT pour échapper au droit applicable aux « cryptomonnaies » qui sont aujourd’hui lourdement régulées.

Rappelons aussi que la valeur des NFT s’exprime aussi en ethereum, la « cryptomonnaie » et dont le cours connait des fluctuations très importantes. L’ethereum valait 340 euros il y a un an et aujourd’hui son cours a été multiplié par dix.

Y-a-t-il déjà des litiges concernant les NFT ?

Oui bien sûr, celui que j’ai en tête concerne un dessin de Jean-Michel Basquiat. Le propriétaire de l’œuvre physique avait mis en vente un NFT lié à une reproduction numérique de ce dessin alors qu’il ne possédait pas les autorisations de reproduction de l’œuvre faisant partie du droit d’auteur. La fondation qui gère les droits de Jean-Michel Basquiat a demandé à OpenSea, la plateforme qui a mis en vente ce NFT de retirer le NFT, ce qu’elle a fait.

Il y a eu aussi quelqu’un qui a mis en vente un NFT prétendument lié à une œuvre de Banksy, en se faisant passer pour Banksy auprès de la plateforme OpenSea et qui a vendu ce NFT près de 300 000 dollars. Le vendeur a finalement remboursé l’acheteur en expliquant qu’il avait voulu faire un geste artistique et politique.

Que ce serait-il passé si le NFT avait été vendu ou que le vendeur avait refusé de rembourser l’acheteur ?

C’est là tout le problème. On ne peut pas judiciairement faire annuler une transaction sur la blockchain, donc si une décision de justice annulait la vente on serait confronté à un problème d’exécution de la décision. On voit bien un des problèmes juridiques des NFT, puisque chacun peut attacher une image, n’importe quelle image à un NFT et vendre ce NFT. Les plateformes peuvent effectuer un travail de vérification, mais il peut toujours y avoir des fraudes, comme c’est le cas du faux Banksy évoqué, ou des erreurs, comme c’est le cas du Basquiat évoqué.

Voyez-vous d’autres problèmes juridiques ou techniques posés par les NFT ?

Les contrats de cession de droit d’auteur obéissent à un formalisme juridique très spécifique, or la majorité des plateformes de ventes et des projets de NFT actuels font l’impasse sur le respect de ce droit et de ce formalisme entrainant des irrégularités dans les contrats de vente et les « smart contracts », et ainsi la nullité ou l’absence de cession de droits.

Autre problème : en général les fichiers des « sous-jacents » sont parfois stockés sur les serveurs des plateformes qui vendent les NFT qui ne présentent pas le même degré de sécurité et d’inviolabilité que les fichiers stockés sur blockchain. Si demain une plateforme fait faillite ou qu’elle est l’objet de cyberattaques et que ses serveurs sont coupés ou ses données effacées, les liens compris dans les NFT et renvoyant à des fichiers tous durablement stockés sur leurs serveurs pourraient ne plus être accessibles. Le contenu authentifié n’ayant plus de lien avec le NFT et étant inaccessible, les NFT émis par cette plateforme risqueraient de perdre leur valeur.

Voilà pourquoi, il me semble qu’il est indispensable qu’il y ait un droit pour que ce marché continue à prospérer et que l’avènement des NFT de 2ème génération, répondant à un cadre juridique et normatif plus défini, soit possible.

Le paradoxe est qu’alors que les acheteurs/vendeurs revendiquent la désintermédiation les transactions passent précisément par des plateformes (OpenSea, NiftyGateway) et maintenant par des maisons de ventes aux enchères qui sont devenus presque incontournables !

Oui c’est le paradoxe de la situation. Disons que les acheteurs/vendeurs font confiance à ces plateformes, car ils préfèrent ces plateformes appartenant à l’écosystème blockchain aux tiers « institutionnels ». Les acteurs institutionnels ont d’ailleurs encore du mal à atteindre les collectionneurs de NFT.

Comprenez-vous que « l’ancien monde » ait du mal à comprendre que l’on accorde de la valeur à ces nouveaux actifs immatériels qui semblent reposer sur du vent ?

Oui, mais quelle différence avec le collectionneur qui stocke ses œuvres dans des réserves de port-francs, et éprouve de la satisfaction à simplement en parler dans des diners en ville ?

Comme je l’indiquais, même s’il y a aujourd’hui des offres frauduleuses et très risquées avec les NFT de 1ère génération dont certains n’ont pas de réalité juridique, c’est un nouveau marché très prometteur avec des acteurs sérieux qui développent des normes et des solutions sérieuses à faible impact environnemental, et protectrices des acheteurs et des vendeurs.

Lorsque cet écosystème se sera stabilisé avec des normes juridiques et techniques, on verra l’émergence des NFT 2.0 qui seront des fichiers aussi normés et encadrés que le format JPEG par exemple aujourd’hui.

Et même si la dimension économique n’est pas neutre, de nombreux collectionneurs achètent également des NFT d’œuvres d’art pour le plaisir de collectionner et de les exposer par exemple sur un grand écran dans leur salon et dans leurs « metaverses » !

Propos recueillis par Jean-Christophe Castelain

Blockchain et industries culturelles : vers les NFT et au-delà

Sydney CHICHE-ATTALI & Lisa TOUBAS

Article publié le 19 mai 2021 dans le média INfluencia et sur le blog Village de la Justice

La technologie blockchain et les “jetons non fongibles” ou “non-fungible token” (NFT) sont des sujets vivement discutés actuellement au sein des industries créatives et culturelles.

La blockchain, qui permet de créer une chaîne d’informations sécurisée, horodatée et immuable, suscite un intérêt important au sein de ces industries notamment pour le rôle qu’elle peut jouer dans la protection et le contrôle des droits de propriété intellectuelle (PI).

Après avoir fait l’objet de nombreuses applications dans les industries pharmaceutique, automobile, ou du luxe, où la traçabilité des marchandises est essentielle, cette technologie est adoptée par le milieu de l’art et de la culture, notamment avec l’essor des NFT.

Dans un contexte de fermetures administratives à répétition, certains professionnels de la culture perçoivent ces technologies comme une source infinie d’opportunités, tandis que d’autres les considèrent comme un repoussoir destructeur des liens sociaux et de l’environnement.

La réalité est certainement plus nuancée, et la révolution de la blockchain dans le milieu culturel se fait progressivement avec des applications qui portent des projets à la qualité et à l’intérêt très inégaux.

Rappelons que les premiers NFT, ces jetons cryptographiques uniques collectionnables stockés sur blockchain, ont vu le jour en 2017, sous la forme des désormais fameux “CryptoPunks” ou “Cryptokitties”.

Les NFT ont regagné en intérêt récemment avec des ventes spectaculaires, notamment de l’œuvre Everydays: The First 5 000 Days de l’artiste Beeple, vendue aux enchères 69 millions de dollars, ou du premier tweet de l’histoire vendu par le fondateur de Twitter 2,9 millions de dollars en mars 2021.

 L’intérêt des NFT a également gagné l’industrie musicale avec des musiciens d’envergure, comme les artistes Kings of Leon, The Weeknd, ou encore le DJ Clarian, qui proposent des chansons, des clips, des objets de collection ou encore des billets de spectacle sous forme de NFT.

En France, cette tendance a été confirmée dans l’art contemporain, avec la collaboration entre la galerie d’art Kamel Mennour et le collectif Obvious, spécialisé dans les œuvres d’art digitales, notamment à l’occasion de la vente d’œuvres sous forme de NFT sur la plateforme SuperRare.

Il est donc nécessaire d’analyser les implications actuelles et futures de la technologie blockchain dans les industries culturelles, avec le développement des NFT, et, au-delà, avec les multiples applications qu’elle permet, comme l’horodatage des créations et les “smart contracts”.

En effet, la blockchain offre des opportunités intéressantes pour la protection et l’enregistrement des droits de PI (I) et promet de révolutionner les modèles contractuels et les rapports entre les acteurs de ces industries (II).

I. La blockchain : un outil de traçabilité des œuvres et du processus de création 

La blockchain : promesse d’infalsifiabilité et d’immutabilité

La technologie blockchain peut être décrite comme un grand livre de comptes partagé dans lequel tout mouvement est renseigné, et toute transaction est enregistrée. Technologie de stockage et de transmission d’informations, la blockchain représente une base de données contenant une trace de l’intégralité des échanges de ses utilisateurs. 

Chaque enregistrement dans une blockchain génère une empreinte numérique unique sous la forme d’une suite de caractères (composée de chiffres et de lettres) qui peut être associée à un document.On parle alors de “hachage cryptographique”, permettant d’identifier une donnée de manière ultra sécurisée.

L’horodatage vient compléter ce mécanisme en associant à cet événement informatique une date et une heure précises. Concrètement, il s’agit de déterminer le moment précis où le bloc qui stocke la nouvelle donnée a été validé par le réseau blockchain.

Ainsi, la fonction de traçabilité, au cœur du mécanisme de la blockchain, se veut être aujourd’hui un outil essentiel en matière de sécurisation d’actifs.

En droit français, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur celle-ci d’un droit exclusif et opposable, du seul fait de sa création, à condition qu’elle soit matérialisée et originale, c’est-à-dire empreinte de la personnalité de l’auteur (article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI)). 

Cette attribution automatique des droits en matière de propriété littéraire et artistique, bien qu’elle favorise la protection des auteurs, peut engendrer des difficultés probatoires. En effet, les auteurs et les créateurs ne gardent pas toujours trace de leur processus de création permettant d’en établir la date de création et la paternité.

Or, ces éléments, permettant de prouver la titularité des droits, sont déterminants dans le cadre d’une action en contrefaçon ou de la conclusion de contrats de cession ou de licence de droits d’auteur. 

Plusieurs options plus ou moins contraignantes s’offrent pourtant à l’auteur, comme notamment : recourir à l’enveloppe Soleau déposée à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), ou faire constater sa création par un huissier de justice. 

Mais les pratiques, en matière de preuve, pourraient être amenées à évoluer grâce à la blockchain qui permet de conserver des empreintes numériques infalsifiables des œuvres et de leur processus de création. En effet, la blockchain pourrait rendre accessible aux auteurs des techniques infalsifiables pour protéger leurs droits et rendre effectif l’adage de Lakanal selon lequel la PI serait la propriété “la moins susceptible de contestation”. 

Par ailleurs, la technologie blockchain n’oblige pas l’auteur à publier son œuvre et ne contrevient donc pas au droit de divulgation dont il bénéficie en vertu de l’article L121-2 du CPI. Seule l’empreinte numérique est ancrée dans la blockchain, permettant au document de ne pas être dévoilé aux tiers, si l’auteur le souhaite. 

La blockchain présenterait également un avantage considérable en matière d’œuvres de collaboration et d’œuvres collectives. La blockchain pourrait devenir un outil facilitateur de traçage appliqué à un processus de création collaboratif et permettrait ainsi de faciliter la protection des auteurs en cas de pluralité d’apports à une œuvre.

Cette technologie pourrait être particulièrement utile dans les industries du logiciel, du jeu vidéo, ou encore de l’architecture, dans lesquelles la multitude de coauteurs ou de contributeurs peut être source de complications. Un ancrage et un horodatage de chaque contribution permettraient ainsi de travailler à plusieurs, tout en individualisant le travail de chacun, atténuant les risques juridiques liés à ces créations. 

Du point de vue de l’achat d’œuvres, les NFT permettent de décomposer la propriété d’une œuvre enregistrée sur la blockchain en un nombre défini de jetons (“tokens”), chaque jeton correspondant à une partie de l’œuvre. Ce procédé permet ainsi à plusieurs acheteurs de collectionner une même œuvre, chacun d’eux devenant copropriétaire d’une fraction de l’œuvre. L’œuvre numérique The Forever Rose de l’artiste Kevin Abosch a par exemple été décomposée en 10 jetons acquis par 10 collectionneurs.

La blockchain : une technologie à l’épreuve du droit français

La technologie blockchain permettrait donc de conférer aux auteurs et aux professionnels une certification de la provenance des œuvres et de l’authenticité de celles-ci. Qu’elle soit directement enregistrée sous la forme de NFT ou de fichier associé à une œuvre “physique”, toutes les créations pourraient bénéficier d’un certificat d’authenticité et d’une preuve de création immuable.

Cependant, la reconnaissance de ces éléments de preuves enregistrés sur une blockchain n’est pas encore admise par la loi ou la jurisprudence en France. En effet, en attendant qu’une législation spécifique soit instaurée en France, ou que les juridictions statuent en ce sens, la question de l’acceptation de cette technique en tant que preuve demeure. 

Une première brèche semble s’être ouverte en décembre 2019 à l’occasion d’une réponse ministérielle délivrée par le Ministère de la Justice, qui après avoir rappelé le principe de liberté de la preuve des faits juridiques de l’article 1358 du code civil, a déclaré que “les preuves issues des chaines de blocs peuvent aujourd’hui être légalement produites en justice. Il appartient au juge d’évaluer leur valeur probante, sans que celui-ci ne puisse les écarter au seul motif qu’elles existent sous forme numérique. Dans les cas où une preuve par écrit est imposée, la technologie Blockchain peut répondre à certaines des exigences réglementaires posées en la matière”. 

La jurisprudence devrait nous éclairer prochainement sur la reconnaissance de ce moyen de preuve par les juridictions. Toutefois, l’absence de jurisprudence établie n’a pas empêché le développement de plusieurs applications de blockchain dédiées à l’horodatage d’œuvres.

C’est le cas, par exemple, de la plateforme Ipocamp qui a vu le jour à l’automne 2017 et permet aux créateurs d’horodater leur processus de création, permettant ainsi d’en certifier la paternité et la date de création.  Depuis l’année suivante, la plateforme française BlockchainyourIP propose également aux entreprises et aux créateurs un service de constitution de preuves de leurs créations et innovations, en partenariat avec une étude d’huissiers de justice.

Certains systèmes juridiques reconnaissent dès à présent la blockchain comme un mode de preuve admissible. Citons la décision rendue par la cour de Hangzhou en Chine le 20 juin 2018 qui reconnaît la force probatoire du code source d’un site contrefaisant ancré dans la blockchain dans le cadre d’un litige en PI, ou bien encore l’Italie qui a consacré dans une loi du 11 janvier 2019 l’horodatage blockchain comme moyen de preuve admissible.

Ainsi, la technologie blockchain apparaît comme un outil sécurisé de traçabilité du processus de création, qui pourra être utilisé à tous les stades de la création d’une œuvre de l’esprit, assurant à son auteur de bénéficier d’une preuve infalsifiable du moment de la création. 

Les créateurs doivent néanmoins veiller à ne pas se reposer entièrement sur la blockchain pour leur protection. En effet, la technologie ne fournit qu’une preuve de la date d’ancrage : à ce titre, chaque auteur devra conserver l’intégralité des documents sources, mais également veiller à ancrer ces documents à une date proche de celle à laquelle ils ont été effectivement créés. 

Par ailleurs, si la blockchain se révèle utile en matière de droit d’auteur où aucune formalité n’est légalement requise, il en va différemment des règles en matière de propriété industrielle telle qu’en droit des marques, où le dépôt à l’INPI ne peut pas être remplacé par le simple ancrage d’une marque dans une blockchain. 

II.   La blockchain : un outil de contractualisation des droits de propriété intellectuelle

Les smart contracts : vers une automatisation des rapports contractuels ?

Les « smart contracts » ou “contrats intelligents” sont l’une des révolutions liées à la technologie blockchain.

Les smart contracts ne sont pas à proprement parler des contrats au sens juridique du terme, mais une fonction du protocole informatique qui permet d’automatiser l’exécution d’engagements contractuels en retranscrivant l’accord des parties en une programmation informatique codée dans une blockchain.

Il est donc nécessaire de séparer le contrat, accord de volonté entre deux ou plusieurs parties en vue de produire des effets juridiques, et d’autre part le “contrat intelligent », qui est le logiciel permettant l’exécution de ce contrat. Le smart contract appartient donc au contrat, car les parties se sont mises d’accord pour que le contrat soit exécuté automatiquement selon ces modalités.

Il s’agit, ainsi, de programmer des “contrats intelligents”, qui s’exécutent automatiquement lorsque les conditions d’exécution des engagements sont réunies, en prenant en compte l’ensemble des conditions prévues au « contrat ». Le fait que certaines clauses de ces smart contracts puissent être partiellement ou totalement exécutées les rend particulièrement attrayants.

Un rapport de l’organisme public FRANCE STRATÉGIE paru en 2018 identifiait déjà cette technologie comme une manière de rendre « l’économie en partie programmable » avec notamment une réduction du nombre d’intermédiaires, une automatisation des paiements, et la disparition des délais de virements bancaires.

Ces solutions blockchain, qui permettent d’exécuter et d’assurer le suivi des contrats, suscitent ainsi un intérêt réel pour la gestion des droits et des transactions liées aux droits de PI.

Les smart contracts : nouvel outil de gestion des droits de propriété intellectuelle 

S’est posée la question de savoir si les smart contracts pourraient être utilisés pour établir et faire respecter des contrats liés à des droits de PI, tels que des accords de cession ou de licence de droits. Les smart contracts pourraient notamment avoir des implications importantes dans la gestion des droits d’auteur et le paiement des redevances liées à l’exploitation des œuvres.

Il est en effet possible que les droits de PI sur une œuvre de l’esprit, comme par exemple un fichier JPEG ou une musique, soient codés dans une blockchain et intégrés à un smart contract. Le suivi des exploitations d’œuvres, sous cette forme, pourrait ainsi permettre des paiements automatisés des redevances dues aux auteurs.

Par exemple, dans le cadre d’un contrat d’édition numérique codé sur blockchain sous forme de smart contract, les redevances dues à l’auteur au titre de l’exploitation de l’œuvre pourraient lui être versées dès que la condition de paiement des recettes à l’éditeur serait réalisée.

Cette solution permettrait ainsi aux auteurs de bénéficier d’une rémunération directe, sûre et plus transparente, sans qu’il soit nécessaire de procéder aux traditionnelles redditions de comptes.

À ce titre, la directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, votée le 17 avril 2019, réaffirme l’obligation de juste rémunération des auteurs et des interprètes dans le cadre des contrats d’exploitation. Elle affirme notamment, en son article 18, le principe d’adéquation et de proportionnalité de la rémunération des auteurs et impose aux États membres de veiller à sa mise en œuvre. L’article 19 prévoit également une obligation de transparence à l’égard des auteurs.

La blockchain promet de concourir à cet objectif de transparence dans une chaîne de valeur souvent opaque, en éliminant certains intermédiaires, et en simplifiant le paiement des artistes notamment en s’adaptant aux nouveaux usages, comme le streaming.

De nombreux auteurs et créateurs regrettent encore que le paiement de leurs droits d’auteur soit rare, trop espacé, voire inexistant, et se tournent aujourd’hui vers ces mécanismes pour sécuriser et obtenir le paiement de leurs redevances.

Avec les smart contracts, les artistes pourraient également exonérer certains usages de leurs œuvres du paiement de redevances, sur le modèle du“Copyleft”, ou même choisir de reverser automatiquement une partie de leurs droits à des associations caritatives.

Les smart contracts suscitent également de nombreux espoirs s’agissant du respect du droit de suite des auteurs. Rappelons que le droit de suite est défini par l’article L. 122-8 du CPI comme « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ». 

Ce droit permet donc aux auteurs d’œuvres graphiques et plastiques, ou à leurs ayants droit, de percevoir un pourcentage du prix de revente d’une de leurs œuvres. Pourtant, ce droit est difficile à faire respecter et à appliquer dans le marché de l’art au sein duquel de nombreux professionnels s’en affranchissent.

Or, avec la technologie du “contrat intelligent”, il est aujourd’hui possible de prévoir le paiement automatique de ce droit, ce qui permet aux artistes d’être rémunérés directement au titre de leur droit de suite sur les ventes successives. Les auteurs d’œuvres commercialisées sous forme de NFT ont aujourd’hui la possibilité de déterminer, sur plusieurs plateformes de référence, le pourcentage du “droit de suite” qu’ils souhaitent voir appliquer aux ventes successives des jetons.

Les sociétés de gestion collective se saisissent également de ces technologies avec par exemple la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et ses homologues anglais (PRS) et américain (ASCAP) qui ont pris des initiatives d’application de la blockchain aux droits de PI de leurs membres. Les trois sociétés ont, à ce titre, noué un partenariat stratégique de dix ans avec la société IBM pour mettre en place une plateforme mondiale de traitement des exploitations d’œuvres en ligne : URights. Ce projet vise à permettre à chaque société collective de traiter automatiquement les rémunérations des ayants droit, en fonction des exploitations tracées sur internet.

Des réserves liées aux “contrats intelligents” et aux NFT dans leurs formes actuelles

Les smart contracts appliqués aux droits de PI posent toutefois de nombreuses questions notamment lorsqu’une des parties s’estime lésée. En effet, il sera souvent impossible de modifier une convention à exécution automatique, à moins de l’avoir stipulé dès la conception du contrat. 

Rappelons également que la blockchain peut être utilisée par des contrefacteurs pour ancrer et commercialiser des œuvres de tiers, par exemple sous forme de NFT. Or, l’impossibilité de faire retirer une œuvre contrefaisante de la blockchain et les difficultés pour retrouver l’identité du contrefacteur qui déposerait l’œuvre de manière anonyme peuvent constituer des difficultés importantes pour la victime.

La question de l’indemnisation de l’acheteur d’une œuvre contrefaisante, notamment sous la forme d’un NFT, et de la responsabilité des plateformes, restent également des questions en suspens. 

Dans le cadre de ces litiges, il pourra aussi être délicat de déterminer la loi applicable et le tribunal compétent entre le pays de transaction, le pays du contrefacteur ou le pays de création de la blockchain.

En outre, la rémunération des artistes par la vente de NFT ou la réception de redevances automatisées via des smart contracts supposent le versement de “crypto-monnaies”, impliquant de la part de l’artiste d’accepter les risques inhérents tels que la volatilité du cours de ces “monnaies”. Ce risque peut être particulièrement important dans le cadre de contrats de longue durée comme les contrats de cession ou de licence de droits de PI. 

L’utilisation de ces technologies requiert également une responsabilité accrue en ce qui concerne la gestion des clés privées et personnelles : les auteurs devront ainsi veiller à apporter un soin particulier à la sécurisation de leurs clés et à s’informer précisément sur leurs cocontractants.

Les applications de la technologie blockchain dans le domaine des industries culturelles interrogent donc à plus d’un titre au regard du cadre juridique actuel.

Ces réserves doivent être émises afin de rappeler aux professionnels de la culture que le cadre juridique des applications de la blockchain, notamment en matière de NFT ou de smart contracts, est encore en construction.

Un cadre juridique adapté permettrait à ces technologies de déployer tous leurs effets au profit des acteurs de la création et de tenir les promesses de “disruption” faites à ces industries.

Dans cette attente, les professionnels de la culture qui s’engagent dans des projets de NFT ou de smart contracts sont vivement invités à consulter des spécialistes, autant sur le plan technique que juridique, pour se protéger et réduire les risques inhérents à ces technologies.


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